Du management relais local au management de crise internationale

Du management relais local au management de crise internationale

En 2016 un groupe international honorablement connu, coté en Bourse, client de notre bureau en Allemagne, nous appelle quatre semaines avant la date de clôture de l’exercice : le DAF de leur filiale française, embauché depuis trois mois vient de démissionner en cours de période d’essai en invoquant « des contraintes familiales ».

En urgence et dans le cadre d’un « management relais » / « intérim management », nous mettons en place un DAF de transition qui arrive quinze jours avant la fin de l’exercice. Avec les équipes internes et les auditeurs externes, nous validons l’inventaire de fin d’année et supervisons les dernières écritures puis remontons le dix janvier les données via SAP vers le groupe en Allemagne.

Après avoir travaillé dans l’urgence pendant les trois premières semaines, nous prenons un peu de recul et nous interrogeons sur le constat que les résultats vont être tout juste à l’équilibre alors que le budget initial prévoyait un résultat correct et que ces prévisions avaient été divisées par deux lorsque le directeur financier avait pris ses fonctions à l’automne. Nous apprenons que celui-ci était le troisième titulaire du poste en dix-huit mois. Par ailleurs, la consommation de cash sur l’exercice écoulé ne nous semble pas en cohérence avec le résultat. Ces trois « signaux faibles » cumulés nous inquiètent.

Très vite notre DAF de transition découvre que l’avancement de plusieurs projets en cours (des unités de production d’énergie) est surestimé et que les comptes sont ainsi embellis. Notre mission « de management relais » bascule ainsi vers une mission de « crise ».

Nous prenons langue avec l’audit interne du groupe qui parachute immédiatement des auditeurs qui constatent les anomalies, donnent des coups de sondes sur d’autres projets et alertent la Direction Financière Européenne. Le Directeur Général France est « mis au repos », le cabinet d’audit et le CAC mobilisés, et, avec notre concours, une nouvelle version des comptes écoulés ainsi qu’un nouveau budget prévisionnel sont montés.

Cette filiale française avait connu, suite à la crise de 2008, des années difficiles avec des plans sociaux successifs en 2010, 2012 et 2014 réduisant de moitié des effectifs. En 2015 était arrivé en France un nouveau directeur général, un allemand qui avait fait ses preuves en redressant une activité en Pologne puis en étant intervenu ensuite en Suisse sur une situation assez délicate et en dénouant une JV conflictuelle. En arrivant en France, celui-ci avait mobilisé les équipes sur un ambitieux plan de reconquête commercial, et les résultats tardant un peu, avait voulu se donner du temps en « optimisant » les résultats.

Hélas nous mettons en évidence une situation très dégradée avec des pertes supérieures à un million d’Euros par mois sur l’exercice qui s’ouvre et une situation de trésorerie extrêmement délicate qui nous amène à prendre contact avec le préfet du département pour négocier un CODECHEF, c’est-à-dire à geler une partie du passif social et fiscal (charges sociales et TVA) afin de sauvegarder les emplois.

Le groupe après mûre réflexion décide de ne pas lancer un nouveau plan social en France, de ne pas fermer le site et décide de transférer des contrats d’autres filiales européennes vers ce site français afin de préserver sa pérennité. Il nous mandate pour évaluer et renouveler partiellement son CODIR.

En parallèle, l’audit du groupe perturbé par ce qui s’était passé en France se pose des questions sur la situation des autres filiales et se rend compte que l’une d’entre elles a utilisé les mêmes « astuces comptables » que celle que nous venons de découvrir en France. La situation exige des actions correctrices immédiates… nous sommes appelés en coopération avec notre bureau en Espagne à mettre en place deux missions de transition dans ce pays.

Cette mission de transition qui apparaissait initialement comme triviale et comme un simple « intérim » en attente d’un recrutement a révélé, quatre semaines plus tard, une crise d’une exceptionnelle gravité. Notre expertise des « situations spéciales » a rassuré notre client qui a assumé pleinement ses responsabilités et préservé cette entité française. Elle nous a permis de l’accompagner et de sécuriser ses activités au niveau international.